11. Les jeunes sont le présent

Les jeunes ne sont pas l’avenir du syndicat, ils sont le présent

Avant c’était une évidence : la jeune fille ou le jeune garçon qui allait travailler s’affiliait tout de suite au syndicat. Un peu comme le chante Bruce Springsteen dans The River : « For my nineteenth birthday, I got a union card and a wedding coat. »

Ce réflexe naturel a tendance à se perdre. La question est de savoir si ce sont les jeunes qui ne trouvent plus la voie menant au syndicat ou si ce sont les syndicats qui ne réussissent pas à les attirer.

Mon organisation compte 10.955 membres de moins de 35 ans. Soit 20 pour cent de nos effectifs. On ne note donc pas de problème au niveau des affiliations de jeunes. C’est plutôt quand il s’agit de les amener à militer que les choses se corsent. La faute aux jeunes ou à nous ?

‘Les jeunes n’ont souvent que des contrats temporaires ou des missions d’intérim. Ils travaillent dans l’économie où les emplois instables sont monnaie courante.’

Pourtant, l’activité des jeunes est florissante au port d’Anvers depuis 2017. Des réunions de jeunes dockers sont régulièrement organisées. A côté d’une initiation à la vie syndicale, elles invitent les jeunes à avoir des discussions sur les dossiers politiques, les problèmes rencontrés sur le terrain et les défis posés par le travail portuaire. Le groupe se compose d’une trentaine de jeunes hommes et femmes et l’initiative a fait des émules dans d’autres ports maritimes.

Ces jeunes ne se contentent d’ailleurs pas de parler de la seule activité syndicale. Ils organisent par exemple des collectes pour des enfants dans le besoin et apportent leur aide à un centre de soins. Ils sont donc aussi très actifs dans le domaine social.

Il n’est guère facile de mettre sur pied une activité dédiée aux jeunes dans le syndicat. Les jeunes dockers qui ont été impliqués dans la création du Youth Movement of Antwerp Dockers ont témoigné de cette difficulté dans le journal belge Gazet van Antwerpen : « Les syndicalistes plus âgés se méfiaient de cette « bande de jeunes blancs becs » mais nous avons fait preuve de beaucoup de sérieux et leur regard sur nous a entre-temps totalement changé », déclare Abdel. « Nous faisons office de pont entre l’ancienne génération et la nouvelle. Les aînés sont contents de voir que des jeunes sont décidés à reprendre le flambeau plus tard », ajoute Glenn Mannien (31 ans). Hannelore Hannes, 26 ans, travaille comme ouvrière au port d’Anvers. Elle explique comment les jeunes dockers font précisément la différence. « Les jeunes dockers sont plus respectueux vis-à-vis des femmes que les anciens. »

Le groupe a démarré en 2017. Entre-temps, quatre de ces jeunes ont pris du galon et sont devenus délégués dans le port. A preuve qu’il est parfaitement possible d’organiser des jeunes dans le cadre du syndicat et qu’il faut aussi y voir un bon investissement à terme.

Ce qui joue sans doute aussi dans les réticences affichées par les jeunes travailleurs face à l’engagement syndical, ce sont les conditions précaires dans lesquelles ils doivent souvent travailler. Les jeunes n’ont souvent que des contrats temporaires ou des missions d’intérim. Ils travaillent dans l’économie de plateforme et le secteur de la logistique, où les emplois instables sont monnaie courante.

Je connais bien les difficultés rencontrées par les jeunes sur le marché de l’emploi. Je sais aussi que les syndicalistes plus âgés ne sont pas toujours à l’écoute de leurs problèmes.’

Cela doit inciter le syndicat à s’occuper de cette situation. Nous devons nous battre pour que ces jeunes obtiennent un boulot à part entière. Ils ne méritent pas de devoir patienter pendant des années dans l’antichambre avant de se voir enfin offrir un véritable job. Les jeunes ont droit à des emplois stables, dignes de ce nom.

Il y a 40 ans, j’ai moi-même été responsable des jeunes au sein de la confédération syndicale FGTB en Belgique. Pendant des années, j’ai coordonné l’activité « Jeunes » dans le syndicat. Je connais donc bien les difficultés rencontrées par les jeunes sur le marché de l’emploi. Je sais aussi que les syndicalistes plus âgés ne sont pas toujours à l’écoute de leurs problèmes. Je dis très clairement à ces jeunes : ne rien lâcher !

MERYEM HALOUANI
° 17.01.1985. Marokko.
Lid van het Bureau Exécutif van de Fédération Nationale des Travailleurs des Rails. Lid van het Nationaal Bureau en de Cel van Buitenlandse Relaties van de Union Marocaine du Travail (UMT). Lid van de Executive Board van de International Transport Workers’ Federation (ITF) en Voorzitter van het ITF Women’s Committee in de Arabische wereld.

‘Il est impératif que nous ne laissions pas échapper cette génération d’activistes prometteurs.

MERYEM HALOUANI

Les jeunes sont l’avenir et en même temps le présent des syndicats. Ils sont essentiels au succès continu du mouvement syndical à l’échelle mondiale. C’est pourquoi leur participation est tellement importante.

Jadis la participation des jeunes était une évidence. Cependant, nous vivons à une époque où de nouvelles dynamiques et défis émergent. Il est essentiel de se demander si le manque d’attrait des jeunes pour
les syndicats est dû à leur désintérêt ou si les syndicats eux-mêmes doivent évoluer pour répondre aux besoins changeants de cette génération.

Il y a plein d’exemples qui démontrent que l’engagement des jeunes peut être encouragé avec succès lorsque les syndicats adaptent leurs approches pour répondre aux préoccupations et aux aspirations spécifiques de cette tranche d’âge. Les jeunes dockers qui sont devenus des délégués syndicaux offrent une preuve convaincante que l’investissement dans la jeunesse est un moyen efficace de renouveler et de dynamiser le mouvement syndical.

Cependant, il est crucial de reconnaître que les jeunes travailleurs sont souvent confrontés à des emplois précaires, à l’instabilité et à l’absence de représentation syndicale. Le texte de Frank soulève un défi essentiel pour les syndicats : lutter pour des emplois stables et à temps plein pour les jeunes. C’est un appel à l’action que chaque syndicat devrait prendre à cœur.

Mon expérience personnelle en tant que jeune syndicaliste membre du bureau exécutif de la Fédération Nationale des Travailleurs des Chemins de Fer de l’UMT au Maroc, présidente du comité des femmes du monde arabe élue en février 2023, représentante des femmes arabes au sein du bureau exécutif de l’ITF depuis 2018 et anciennement présidente du comité des jeunes du monde arabe de l’ITF en 2015,

m’a permis de vivre des expériences enrichissantes aux côtés de jeunes travailleurs venant de divers horizons, qu’ils soient arabes ou non, partageant
la même vision et les mêmes objectifs : défendre les droits des jeunes travailleurs et les encourager à s’impliquer davantage dans le mouvement syndical. J’ai été confrontée aux réalités du marché du travail actuel, et il est évident que les syndicats jouent un rôle essentiel dans la protection des droits et des intérêts des jeunes travailleurs.

Les générations plus âgées du mouvement syndical doivent accorder une attention particulière aux problèmes spécifiques auxquels les jeunes sont confrontés. L’inclusion des femmes dans des secteurs traditionnellement masculins et le droit à un environnement sain, y compris l’accès aux toilettes pour les travailleurs et les travailleuses du secteur des transports, sont des enjeux cruciaux qui nécessitent une attention particulière.

J’ai travaillé main dans la main avec les générations plus âgées au sein de campagnes de solidarité pour faire entendre la voix des jeunes travailleurs à travers le monde. Par exemple, la campagne de soutien aux travailleurs palestiniens est un exemple concret de cette collaboration.

Je tiens également à saluer l’expérience inspirante de mon syndicat, l’UMT, qui a toujours considéré la jeunesse travailleuse comme une force essentielle depuis sa création en 1957. Les jeunes au sein de l’UMT ont apporté un réservoir inestimable de talents et de compétences, contribuant ainsi à la continuité de la lutte syndicale tout en restant fidèles aux valeurs et principes fondamentaux. Certains de ces jeunes sont aujourd’hui des leaders influents occupant des postes clés dans divers domaines, tels que la politique, la diplomatie, l’administration publique, les arts et l’intellectuel.

En 2018, j’ai eu l’immense honneur d’être élue comme la première femme représentante du monde arabe au Bureau Exécutif de l’ITF, alors que j’avais seulement 31 ans. Cette réalisation a suscité en moi à la fois une grande fierté et une profonde responsabilité. En octobre 2021, mon engagement envers les travailleurs et travailleuses a trouvé une nouvelle expression, lorsque j’ai été élue pour représenter leurs intérêts en tant que conseillère parlementaire au sein de la 2ème chambre du parlement marocain.

Pour conclure, ce chapitre nous rappelle avec insistance l’importance fondamentale de l’implication des jeunes au sein des syndicats, tout en nous incitant énergiquement à passer à l’action. Il est impératif que nous ne laissions pas échapper cette génération d’activistes prometteurs. C’est un appel vibrant à persévérer, à s’adapter et à agir, et je ressens une grande fierté d’avoir été conviée à apporter ma contribution à cette conversation vitale.